Artist statement

Paysages émotionnels / Emotional Landscapes

[FR] - À Partir de compositions puisées dans les paysages naturels de mers, de rochers, de rivières, d’écorces, Mai Khanh construit ses grands tableaux abstraits comme des voyages mouvants et méditatifs.

Son principal médium, la peinture à l’huile dont elle aime la plasticité sensuelle et la transparence inégalable.

Chaque tableau est une œuvre de patience exigée par les temps de séchage couche après couche, condition sine qua non d’une quête incessante de profondeur et de vibration des couleurs.

Le temps est ainsi une nécessité, non seulement imposée par la technique à l’huile mais par la recherche d’un délicat équilibre entre harmonie et chaos, fluidité et mouvement. Celui qui contemple est invité à se perdre dans l’espace de la toile où les détails forment autant de paysages dans le paysage.

Mai Khanh convoque les éléments : Air, Eau, Feu, Terre. Elle les mélange, les tisse entre eux comme une étoffe d'un rêve sans sommeil . C'est dans les grands espaces que ces compositions se déploient avec le plus de force, qu'elles prennent assez de substance pour provoquer la perte dans l'immensité. Dans cette contemplation que Gaston Bachelard nomme si joliment l'immensité intime (in La Poétique de l'espace).


Depuis peu, l'écriture et la poésie s'associent à la peinture. Les dernières œuvres s'accompagnent ainsi chacune d'un poème.


[EN]- Drawn from natural or imaginary landscapes found in rocks, rivers and barks, Mai Khanh builds her large abstract paintings as vibrant meditative journeys. Each piece is a labour of love and patience to let the oil painting slowly dry layers after layers, the sine qua non condition to achieve the depth and vibrancy she’s endlessly chasing out. 


In her work, Time is a necessity. Not only dictated by the constraint of the material but also by the search of the delicate balance between harmony & peace, flow & movement. The viewer is invited to freely lose oneself in the space of the canvas where intricate details are landscapes into the landscape.


Recently, writing and poetry have joined forces with painting. The latest works are each accompanied by a poem.

Mobilis in Mobile

Il y a des parcours indigo, ocres et noirs. Des horizons qui se perpétuent au-delà d’eux-mêmes. Il y a des chemins à la palette infinie.

Nous marchons sur les chemins de pierre, et plus nous marchons, moins nous nous trouvons ici. Car la magie des chemins de Mai Khanh Pham To, c’est d’ignorer nos pas.

Nous ne sommes pas l’action. Lorsqu’on contemple une vue d’artiste de telle proto-étoile, aucun planétarium ne nous donnera l’agileté de flotter là, parmi les poussières scintillantes d’une fête qui ne finit pas d’avoir lieu. Nous n’avons rien à faire au milieu des nébuleuses.

Les peintures de Mai Khanh Pham To ne nous ignorent pas tant. Nous existons, et les nuées nous sont proches. Elles nous paraissent sereines, simplement, car elles annulent notre action. Si l’idée d’une action descend le long de notre bras, échauffe nos doigts, elle demeure ainsi, comme un onguent, à nous impreigner d’une énergie faséyante.

L’action est ailleurs. L’action est dans la matière. Elle se déploie comme une liane dans le temps du regard. Plus longue notre stase, plus cinétique l’impression.

En retour, nous bougeons.

Ou plutôt, nous changeons d’état.

1_

Une étreinte, une pression du corps autour du thorax, puis rien. Débarrassées, les côtes. Liquéfiés, les organes. Tu suis du doigt l’arche d’une itération parfaitement labile. Tu tombes et t’élèves dans l’axe du tableau. Cette respiration. Syzygie qui te soulève et t’essouffle. Tu cesses d’être la carte maritime pour devenir la vague.

Fondue.

2_

Le magma roule sous tes pieds. Tu es ce que hisse le cerceau couleur brique d’une éruption. Tu es la lave à ton tour, la chose qui roule et s’amasse et dont on pense, à la regarder tournebouler, qu’elle serait douce à la langue. Peu t’importe la brûlure. Le jeu, ici, est de culbuter dans la plastique érodée d’une figurine des grands fonds. Tu es le petit scaphandrier.

Solidifié.

3_

Tu braves la tempête. Le phare disparaît derrière des brocarts de bourrasques grises. Le jour est tapi derrière, comme l’orée d’une forêt transparaît par la suie. Tu es l’incendie jamais advenu, la nappe goudronnée, palpable et sirupeuse, d’un essaim : ailes veloutées, odeur piquante de volaille et d’ange. Tu te promènes dans la jauge plastique d’un nuage devenu reflet.

Liquéfiée.

4_

La poix, le souvenir d’une lampée de bitter.

Vaporisé.

5_

Parfois, c’est simplement doux comme le paysage à travers des battements de paupières et de cils, frénétiques ou ralentis, faisant tout paraître alternativement rouille et translucide. Tout, rien et d’un noir évanescent, quasisèche et presquencre.

Sublimée.

6_

Lent sans alanguissement. Jamais de stupeur, juste la patience des choses qui se placent, des horizons qui s’occultent car au fond, découvres-tu, l’horizon n’existe pas.

Condensé.

7_

Tu te reconnais. C’est la danse, en toi. L’écoulement jamais achevé, posé comme l’équilibre amoché de poteries qu’aucune fissure n’assouvit.

Désionisée.

8_

Palpable. Tu ne peux plus rien ignorer. Impalpable. Tu ne peux plus ne pas savoir ce que tu sais. C’est la rencontre.

Ionisé.

Lorsque tu te détournes d’un tableau de Mai Khanh Pham To, il se déploie en toi, t’effile et t’attendrit, te rend à la viande interminable des roches et des poussières.

Il fait de toi, par assauts calmes, ce que tu es.

Cette étoile inachevée qui n’en finit pas de brûler.

Luvan

luvan est avant tout autrice. Son travail s’axe sur l’élaboration de lieux imaginaires complexes, à la fois utopiques et dystopiques, lui permettant de commenter et d’anticiper l’actualité. La fiction est pour elle un outil de réflexion sociale et politique.

Passionnée par le son et les matières orales traditionnelles, luvan écrit également des pièces de théâtre, pratique la performance et réalise des créations radiophoniques.

Historienne de formation, luvan (de son vrai nom Marie-Aude Matignon) a vécu en Afrique, dans le Pacifique, en France, en Chine, en Scandinavie et en Belgique avant de s’installer en Allemagne.

Luvan et Mai Khanh se rencontrent sur les bancs du lycée La Pérouse en Nouvelle-Calédonie. Elles poursuivent chacune leur chemin dans l'écriture pour Luvan et dans la peinture pour Mai Khanh.

Waving

Waving is a type of hunt.

Risk taken. Anchor raised.

Unlike whaling, waving is the epitome of hunt. No crime, no larceny. At the end of the day, no assassination, but a teeth-shattering serenity. You become the wave.

You remember playing with water, enticing seaweed to rest around sea poles, like moss. You did not feel the current, then. The Ocean was but a cherry on top of your earthy life. A forest like no other, nightmarish and heavenly.

You felt, like any other earthling, the sun blazing from the surface, the salt reddening your lips, all things resulting from the Ocean.

They called it Pacific.

Some flying fish.

You knew the Ocean, but you did not make the sum of it until you saw, from afar, Mai Khanh Pham To’s marines.

« A continuous body of water encircling Earth, the Global Ocean is divided into a number of principal areas. Five oceanic divisions are usually recognized: Pacific, Atlantic, Indian, Arctic, and Antarctic; the last two listed are sometimes consolidated into the first three ».

The paintings of Mai Khanh Pham To feel like the last two, vanishing into the first three, etched into an ubiquitous body of blues, greys and whites, blacks, ocres and silvers, encircling your skin. Diving among them, you become a veiled bathyscaphe cursing into swirling streams like a gust of jellyfish.

Weaving is a kind of hike.

Up the mountains, where fire and gas play geyser with Fume Gods.

Up here, there is no reckoning, only repose.

Lost in Mai Khanh Pham To’s paintings, you know when to climb, and when to sit and crouch and stare at impossible clouds, shaped like foxes and ghosts.

Pale trails long forgotten, shiny slides of rocks.

Never again will you mind your step.

In Mai Khanh Pham To’s landscapes, all storms converge onto subliminal geology, the sort that paints on behind your eyelids. Where flesh is vapor and vapor, in turns, embodied and sealed into fragrant clay. You walk in moors and lava fields. Your breath becomes a composition of clashing hymns and warbles.

You are filled with carbone and sulfur, hydrogene and the neatest kind of 0.

Awe.

Once, you wondered if there was life on Mars, in the clouds of Venus.

Now that you walk in Mai Khanh Pham To’s landscapes, you know there is.

It feels like sand. It smells like rain. It tastes like earth.

And swirls.

Luvan

luvan is a European writer, poet, translator and hörspiel artist. Her works - published only in French so far - have been labelled weird, slipstream, science-fiction or plain crazy. She had been living in Africa, Scandinavia, France, China, Belgium and a few islands in the Pacific before settling in Germany.

At 17, Luvan and Mai Khanh tied a solid-rock frienship in New Caledonia. They each pursue their journey into writing for Luvan and into painting for Mai Khanh.